3 Août :
La frontière passée nous redescendons à 4000 mètres d’altitude pour établir notre premier bivouac en retrait du lac Karakol. La nuit est fraîche mais le ciel dégagé nous offre un merveilleux ciel étoilé.
4 Août :
Au réveil, nous sommes subjugués par la couleur de l’eau si limpide. Il fait beau, le thermomètre annonce déjà 17 degrés à 9h du matin. On ne s’attendait pas à ça !
Aujourd’hui, gros challenge ! Nous devons passer le col d’Ak Baital, le plus haut col de la route du Pamir qui culmine à 4665 mètres !
En route, on est surpris de croiser autant de cyclistes ! Quel défis pour eux que d’affronter le vent, la pluie…et tout ça à plus de 4000 mètres d’altitude..et cela pendant plus d’un mois au moins pour ceux qui font la M41 en entier…
Chewing-gum en bouche pour éviter des problèmes de pressions auditives, nous grimpons vaillamment le col. Je prends même le volant pour l’occasion ! La piste est large, quelque peu de taule ondulée. Nous avançons au pas. Arrivée au sommet, nous avons du mal à croire que l’on est seulement à moins de 130 mètres de la hauteur du Mont Blanc ! Il fait 10 degrés et il n’y a pas de neige. On croise un couple de cyclistes qui, fiers de leur exploit nous demande de les prendre en photos sur ce col mythique.
Nous redescendons ensuite tranquillement jusqu’à Mourghab, seule petite ville de la région, très isolée et très pauvre. Le paysage est minéral, difficilement descriptible tellement l’immensité s’étale sous nos yeux. Les couleurs, les sommets, les pentes tout est démesuré. On ressent ici fortement les mouvements de la croûte terrestre, les paysages sont déchiquetés. Il n’y a pas âme qui vive. Les touristes intrépides sembles les seuls à emprunter cette route !
Arrivé à Mourghab, on croise les premiers enfants qui nous saluent dans la rue. Les gens sont souriants. Beaucoup parlent quelques mots d’anglais. On sent que le tourisme commence à jouer un rôle important dans le pays.
La ville est austère, les rues en terre, les maisons sont construites en torchis, au toit plat, peintes en blanc. Il y a énormément de bâtiments officiels ornés du drapeau et de la photo du président. De nombreux militaires patrouillent dans les rues.
Les enfants portent des seaux en métal qu’ils vont remplir au puits. Les femmes discutent ensemble au bord de la route. Les gens vivent dehors. Il y a peu de voitures à part quelques taxis collectifs 4×4. Les familles se retrouvent au bazar, seul lieu où l’on puisse faire des courses. Ici les prix sont exorbitants comparativement au salaire moyen qui est de 200 euros/mois. L’eau coûte 3,5 euros les 5 litres et le melon est affiché à 3 euros. On se demande de quoi vivent les gens dans ce village coupé du monde, sans route d’accès, au moins 6 mois par ans pendant la période hivernale, sous -40 degrès…de quoi en faire réfléchir certains quant à nos propres conditions de vie d’européens !
Nous dormons ce soir dans la cour du Pamir Hotel, lieux de rassemblement des Overlanders. Les enfants jouent avec la petite fille d’une employée.
5 Août :
Avant de partir nous devons faire le plein de gas-oil. Ici il ne faudra pas faire les difficiles, une seule station…et la pompe est HS. On doit donc directement prendre le gas-oil dans la cuve et remplir le def au bidon !
Au programme aujourd’hui, une petite boucle autour de Mourgab avec découverte d’un énorme cratère qui a longtemps était considéré comme un cratère de météorite, mais aujourd’hui les scientifiques penchent plus pour un effondrement de la croûte terrestre…Pour nos enfants, ça restera bien sur un cratère de météorite…surtout qu’ Emma vous dira qu’elle en a trouvé un bout !
Sur la route vers un ancien observatoire soviétique, nous faisons la rencontre de Charlotte et Julien, un couple en Defender qui voyage aussi pour 6 mois sur le même itinéraire que nous ! Nous décidons de passer la soirée ensemble et trouvons un petit bivouac dans les collines peu après Mourghab.
Alors que nous passons une bonne soirée à discuter, nous apercevons au loin la lueur d’une lampe torche. Nous sommes d’abord étonnés car il ne semblait pas y avoir d’habitation autour et le coin est vraiment isolé. On éclaire à notre tour. La lumière s’éteint. …Puis elle se rallume quelques minutes plus tard. On cherche à en savoir un peu plus. Les gars se rapprochent du point lumineux qui semble être à une cinquantaine de mètres mais celui-ci disparaît à chaque fois qu’ils tentent de s’approcher….la plaisanterie commence à nous inquiéter un peu. Manu décide de prendre la voiture pour aller voir de plus près. Plein phare il scrute les horizons…une autre lumière clignote au fond, puis une nouvelle encore plus loin…Les intrus sont plusieurs ! Cette fois-ci ça devient vraiment inquiétant, on prend la décision de plier le camp en vitesse et à 23h nous voila en pleine nuit de retour vers la ville pour dormir en sécurité. Alors que nous parcourons les 25 kms qui nous séparent de Mourghab, les questionnements fusent…qui étaient ces gens, que voulaient-ils ? des braconniers, des passeurs de drogues que l’on dérangeait ( la route du Pamir est considérée comme une plaque tournante de la drogue, venant de l’ Afghanistan pour être acheminée dans toute l’ Asie centrale. Fléau normalement invisible pour les touristes)…on ne saura jamais..et il vaut peut être mieux !On parcourt la route dans le stress, les montagnes tadjikes et leurs routes de nuit sont vraiment impressionnantes et laissent place à tous les fantasmes les plus glauques ! Arrivé aux portes de la ville, on tombe sur un check-point ! Une barrière bloque la route, un militaire avec son gros chien nous demande de rentrer dans son bureau pour le contrôle des passeports…On s’exécute, il doit bien se demander ce que l’on fait à une heure pareille sur les routes, mais peu importe, il nous laisse repartir et nous pouvons enfin aller nous poser pour dormir plus serein…sur le même parking que la veille, au Pamir Hotel !
6 août :
Le lendemain matin , on raconte notre aventure à la réceptionniste, elle semble surprise et n’a pas d’ explication à nous donner. On lui demande si la région est dangereuse, elle nous répond qu’il n’y a pas de problème d’insécurité mais qu’il est préférable de dormir dans les villages ! Un guide que l’on croisera dans la journée nous tiendra également le même discours sans réussir à avoir plus d’explications ! Vu la frayeur que l’on s’est faite hier, c’est certains nous prendrons en compte ce conseil pour les prochains jours !
Remis de nos émotions, nous partons avec Charlotte et Julien en direction du lac de Burnukul. En chemin de belles surprises nous attendent. On passe devant des lacs magnifiques, l’eau de l’un est d’une couleur tellement cristalline que l’on voit les poissons nager à travers. Le ciel et les sommets enneigés se reflètent dans un autre. Manu se régale avec le drone qui offre des clichés et des prises de vue grandioses permettant de mieux retranscrire l’immensité des lieux que des photos classiques.
L’après- midi, on va voir un geyser…au jet un peu décevant tout de même ( on s’attendait à un jet d’eau de plusieurs mètres au vu de la photo du guide…mais nous avons eu moins de chance qu’eux !), mais le phénomène est tout de même curieux à voir. On finit par un petit bain de pieds dans une source d’eau chaude, perdue au milieu de nulle part !
Le soir comme promis, nous bivouaquons sur la place du petit village de Burnukul. Deux enfants s’approchent des 4×4 timidement, tenant leur chèvre par une corde. Charlotte les prend en photo avec son polaroid.Ils sont impressionnés de voir leur portrait apparaitre sur le papier comme par magie et repartent tous contents avec leur petit trésor après avoir joué quelques instants au ballon avec Emma et Timéo.
7 /8 août :
Nous attaquons non sans excitation la descente dans la vallée du Wakhan. On se rapproche à grands pas de la frontière afghane et nous apercevons les premiers sommets de ce pays interdit. Les paysages sont grandioses, les montagnes se dressent devant nous comme des murs, on s’encaisse progressivement dans la vallée. On passe un nouveau check-point, formalités classiques auxquelles nous devrons nous soumettre plusieurs fois au cours de notre évolution tout au long des 500 prochains kms longeant la frontière afghane.
Dans l’après midi, nous rencontrons à tout hasard JJ et son ami Mourad, un motard qu’avait déjà croisé Charlotte et Julien au Kirghizstan…Il se trouve que c’est aussi l’auteur du super livre ‘’ Le Bandana Bleu’’ , récit d’un voyage initiatique en Afrique que j’avais déjà lu avant de partir ! Nous décidons d’aller dormir tous ensemble dans la guesthouse Insidor, proche de Iskhajim. La famille est adorable, on est très bien accueilli. Le soir on nous offre un repas gargantuesque avec en prime des abricots du jardin en dessert. Le doyen de la famille a 80 ans et reste très en forme. Il est fier de nous montrer en photos ses filles parties travailler à l’étranger. Nous discutons une bonne partie du lendemain matin ensemble, les femmes en profitant pour coiffer Emma…se laissant faire pour une fois !! Manu offra son douk-douk, couteau thiernois, ancêtre de notre 1515, avant de partir au papi qui l’attacha fièrement à sa ceinture avant de nous quitter.
9 /10 Août :
Après avoir visité un petit musée présentant l’habitat traditionnel et les coutumes pamiries nous continuons notre progression dans la vallée du Wakhan. Notre regard se pose toute la journée de l’autre coté du Panj, la rivière tumultueuse qui sert de frontière naturelle entre le Tadjikistan et l’Afghanistan. Les deux peuples se ressemblent beaucoup mais n’ont pas le droit de s’adresser la parole. Chacun cultive les champs de son coté. Les afghans doivent user d’ingéniosité pour cultiver sur des terrains très pentus. On reste admiratif devant des jeunes transportant d’énormes chargements de foins sur leur dos, le long de sentiers à flan de falaise.
Dans les villages, que nous traversons on est surpris par le nombre important d’enfants qui jouent dans la rue. Les femmes travaillent dans les champs, les hommes discutent sur le bord de la route. Le soir nous nous arrêtons bivouaquer à coté du terrain de foot d’un petit village. Un couple d’espagnols et 2 allemands nous rejoignent. Une partie de foot franco-tadjik s’organise entre les gars et les enfants du village ! La nuit tombée, les jeunes allemands vont faire un tour au mariage organisé dans le village…ils se font inviter à la table d’honneur et doivent faire un discours devant les 250 invités !
11/12 Août :
Après avoir franchi Khorog, nous remontons maintenant vers Douchanbe , la capitale. On quitte à regret ces gorges sublimes pour remonter dans la plaine. La chaleur est écrasante…..les paysages désolants. Seule consolation, on retrouve un asphalte lisse comme un billard !
On arrive à Douchanbe en fin de journée et nous passons la nuit à l’ hôtel Pamir..avec la Clim !
13/14 Août :
Journée courses/laverie et repos ! On ne visite pas la ville à proprement parler mais nos nombreux vas-et –viens nous permettent de passer devant les principaux bâtiments officiels, toujours à l’effigie du président, avec son portrait 2x3m…comme dans tous les villages que nous avons traversé…montrant l’importance de la puissance du personnage dans le pays !
Nous rencontrons une famille française de backpackers qui commence juste leur voyage. Les enfants passent la soirée et le lendemain matin ensemble à jouer au ping-pong et à apprendre à jouer au billard !
Julien et Charlotte nous quittent ici, ils vont devoir accélérer un peu leur rythme pour pouvoir être rentré début octobre en France.
De notre coté, nous quittons aussi Dushanbe, direction Iskander lake vers la frontière. On retrouve de l’altitude et la fraîcheur qui va avec ! Le lac, d’un bleu turquoise magnifique, est encaissé dans une vallée, difficile de trouver un bivouac. Après avoir fait les ¾ du tour, on emprunte une petite piste peu engageante pour se poser en surplomb de ‘l’eau. Mais la piste est peu stabilisée et quelques pierres roulent sous nos roues lors de notre passage. On se pose quand même pendant 2h, le temps de ranger les courses faites le matin et laver le frigo. Mais vers 19h, on entend à 20 mètres de nous un éboulement sur le chemin. Le passage étant le seul pour faire demi-tour, nous décidons de tout replier afin d’éviter de rester bloquer ! On se retrouve finalement pour la nuit, sur le terrain d’un camps de vacances aux allures abandonnées.
15 Août :
C’est la rentrée des classes pour les enfants ! On ressort les cahiers pour 1h de révision avant de partir en direction de Penjakent pour un dernier plein de gasoil avant la frontière ouzbèque. Lors de notre pause déjeuner, on rencontre une famille avec un nouveau né à qui on offre nos derniers vêtements premiers age généreusement tricotés par des petites mains en France.
Le passage des douanes tadjikes est ultra rapide, s’étant annoncé comme touriste un douanier nous fait passer devant toute la file d’’attente de voitures ! On sort du pays en moins de 10 minutes ! Coté Ouzbèque, la fouille du véhicule est très poussée. 4 agents s’agitent autour de la voiture, l’un scannant la voiture avec un appareil portable, un autre introduisant une camera dans le réservoir de carburant. On appréhendait qu’ils trouvent notre drone…strictement interdit dans le pays…mais on l’avait bien caché !! lorsque le douanier a demandé si nous avions ‘’ un avion’’ ( sous entendu un drone)…Manu a joué la carte de l’imbécile en répondant que non, nous étions venu en voiture !! 2h après nous faisons nos premiers pas en Ouzbékistan, direction Samarcande..et ses mille dégradés de bleu.
Images epoustouflantes👏👍💕vous tutoyez le cosmos. Merci Eva pour ce récit qui nous prend aux tripes..
Bonjour Eva timeo Manu et Emma
Quel bel récit merci encore de nous faire une peu vivre votre aventure gros bisous Sebastião Camille et Carolina